10h00. Ciel bleu, lac à peine voilé par une brume lointaine, la journée s'annonce bien et il est temps de s'enfermer dans les salles obscures pour éviter les coups de soleil. Les festivaliers seraient-ils cousins des vampires? Sur place, surprise! La queue pour la billetterie s'avance encore jusqu'au milieu de Bonlieu: ça valait le coup d'arriver moins tôt que les autres années. Pour autant, je récupère toutes les précieuses contremarques, preuve qu'il n'est pas nécessaire de s'agglutiner aux portes à 8h du matin. A force d'habitude, je sais à l'avance quelles places seront chères, et la seule séance qui pourrait poser problème est Empress Chung.
Le Grand Sommeil
Ce programme est un hommage à des grands noms de l'animation qui nous ont quitté depuis l'année dernière. Ainsi, des pionniers de l'animation française tels que Jacques Rouxel et René Laloux sont partis rejoindre les Shadoks et les Gandahariens (Les Maîtres du Temps). De fait, le public du théâtre est beaucoup plus sage que d'habitude...
Les Shadoks pompaient et pompaient encore... et toujours, jusqu'à très récemment puisque trente ans séparent le premier épisode que nous visionnons des suivants. Un peu d'essouflement, cependant, dans le dernier épisode qui semble avoir perdu de sa verve sarcastique. Ce que je ne savais pas, c'est que l'aaa (Atelier d'Animation d'Annecy) est à l'origine de la seconde série (Les Shadoks et le Big Blank). Un peu de documentation plus tard, il s'avère que Jacques Rouxel a co-fondé ce studio en 1973!
S'en suit une courte interview d'un (trop) jeune réalisateur, Laurent Gorgiard, parti rejoindre ses aînés. Primé à Annecy en 1998, son court-métrage L'Homme aux bras ballants est plein de poésie mélancolique s'achevant sur une jolie note d'optimisme. Dans l'officiel, on nous dit que le personnage est indirectement inspiré de l'albatros de Baudelaire. Réflexion faite, c'est très vrai!
Deux métrages épileptiques de Jules Engel plus tard, nous regardons un cartoon made in France réalisé par Omar Boucquey dans l'après-guerre. D'ailleurs, les thèmes travail et patrie sont placardés un peu partout, ce qui n'empêche pas le dessin animé d'être rafraichissant par sa fausse (?) naïveté. Nous visionnons ensuite le délicat Destino, puis René Laloux clôt le chapitre avec deux de ses courts métrages. Les Escargots et Les Temps Morts (la définition de l'auteur étant que les temps morts sont les instants qui séparent deux guerres) sont emprunts d'un certain non-sens, de pessimisme mais aussi d'un certain réalisme pour le second. Ca me donne envie de me pencher un peu plus sur la question, un DVD étant disponible chez Arte.
Le Lapin, le Lapin ! (Générique 2004)
Le générique de cette année a été produit par Felix Creation, une société basée à Cran-Gévrier. Moins énervé que l'année dernière et peut-être un peu moins réussi aussi, on y voit les protagonistes de l'affiche 2004 s'en prendre à une pauvre carotte colleuse d'affiches. Il faut dire, c'est un peu culotté de vouloir remplacer nos chers rongeurs par des légumes, aimables certes, mais légumes néanmoins.
Hector (Générique d'ouverture)
Tout en tons pastel et d'un graphisme délicat, ce cher Hector est une bien jolie réussite: un nuage éternue, et Hector apparaît. Il court à travers les rues de la ville pour rejoindre la fabrique à rêves qui l'a transformé... Car au festival, quand on ne fait pas la course on est sur un petit nuage!
TV 1 et Films de Commande
14h00. A chaque fois, je me fais surprendre par l'enthousiasme survolté des festivaliers du fond de salle (à côté du radiateur). M'enfin! Les avions se ramassent à la pelle mais peu atteignent la scène: question de calibrage! Rentrons dans le vif du sujet: les programmes de télévision du jour sont assez réussis dans l'ensemble, mais aucun n'a réellement retenu mon attention.
Turkish Delights ouvre le bal avec ses pastiches de films des années 60. Je préférais largement Fast Film, dans la même veine mais encore plus drôle. Cela dit, James Bond version tête de poireau, ça le fait! Creature Comforts 'Cats & Dogs' nous vient tout droit du fameux Studio Aardman. La série entamée en 1989 reçoit un tel succès que des épisodes sont encore produits aujourd'hui. Bien sûr, on y perd un peu en spontanéité et en originalité, mais l'humour british fonctionne encore à merveille. Dommage qu'il y ait cette petite impression de déjà vu!
Another City est assurément le plus adulte des métrages présentés, et sa réalisation est atypique pour un film de télévision, plus proche de celle d'un indépendant. Pour autant, cette évocation de la montée du fascisme et de l'accession au pouvoir d'un dictateur-clown a de quoi faire peur. Comme quoi, l'Histoire est toujours d'actualité!
Plus léger mais visant toujours un public adulte, Immigrants emprunte le style infantile des Razmoket pour une satire de la vie américaine. Sauf que, à force, ça devient lassant. Quant à L'anniversaire de Joan, il s'agit d'une tranche de vie mi figue mi raisin d'une bande de copines qui angoissent un peu à l'approche de la cinquantaine. Là, pour le coup, c'est assez original!
Enchaînons directement sur les films de commande. La salle est comble, l'ambiance chaude, ça promet! La programmation est beaucoup plus raisonnable que l'an dernier et nous présente tout d'abord des clips assez réussis: Mickey 3D 'Yalil' est la suite de Respire et on retrouve donc la même équipe aux commandes. Le film est intentionnellement naïf, et ça fait du bien! Dans un registre différent, le kitschounet Deewana nous vient tout droit d'Inde et mélange images réelles, cartoon et images de synthèse sans oublier le fameux effet kaléidoscopique (à mes souhaits!). Citons aussi, plus pour la musique que pour la technique, Flowers d'Emilie Simon. Et puis The Tiger Lilies. Et puis... Bref, la sélection de cette année est vraiment réussie!
Les publicités jouent à fond la carte de l'humour, et ça marche! Je ne me vois pas cependant les citer toutes, aussi je vais prendre l'exception qui confirme la règle. Greenpeace 'Half Life' en prise de vue réelles trafiquées à l'ordinateur fait plutôt froid dans le dos. Et si les catastrophes nucléaires n'étaient pas derrière nous, et que les conséquences sur l'environnement soient irréversibles? La réalité, parfois, rejoint la fiction...
Empress Chung
Voici donc le premier long métrage coréen du festival, en avant première mondiale s'il vous plaît! Du coup, nous avons droite à une petite intervention de l'omniprésent Serge Bromberg puis du réalisateur, Nelson Shin. Le film sera t-il à la hauteur de nos attentes, et surtout du travail démentiel d'une équipe artisanale? 600 000 cellulos et 7 ans de production auront été nécessaires à 6 personnes pour réaliser ce dessin animé...
La jeune Chung vit avec son père aveugle, retiré dans un village loin de la capitale. Un père autrefois noble mais qui a dû se cacher pour protéger sa fille, un homme que tout le monde croit mort après qu'on ait attenté à sa vie. Mais un jour, Chung décide de sacrifier sa vie afin que son père recouvre la vue. C'est le point de départ d'une aventure tumultueuse qui l'emmènera elle et sa tortue (et oui!) jusqu'au palais royal où elle tombera bien entendu amoureuse du prince. Zut, je viens de raconter la fin!
Cette histoire assez convenue est issue d'une légende coréenne mais son style oscille sans cesse entre conte oriental et fable occidentale, se fourvoyant parfois dans le cartoon lorsque les animaux décident de parler. C'est dommage! A des passages relativement adultes succèdent des séquences assez infantiles, ce qui fait qu'on ne sait jamais vraiment quel est le public visé.
Pour autant, et malgré des coupes trop visibles au montage, Empress Chung fait montre de pas mal de qualités, comme l'esthétisme des paysages et la fluidité de l'animation (à l'exception des scènes d'eau, qui comme chaque animateur sait sont terriblement difficiles à dessiner). Et puis l'histoire, bien que sans surprise, reste assez sympathique. Ce qui vaut au réalisateur les applaudissements du public!
Cérémonie d'Ouverture
Le sport favori du festivalier consiste à faire la course en sortant de la salle pour aller dans la suivante (qui se trouve assez souvent être la même). Cela peut atteindre la compétition lorsqu'il s'agit de glaner quelques précieux tickets pour une séance unique. Pour le coup, la cérémonie d'ouverture ne déroge pas à la règle et ça n'a pas été une partie de plaisir pour rentrer.
Finalement, quelques discours politiques plus tard, Serge Bromberg nous présente les jurys et les invités d'honneur de ce festival, dont monsieur Harryhausen, star incontestée du stop motion (ou pixillation. Il doit y avoir une différence, mais je ne la connais pas) et des monstres fabuleux (voir Jason et les Argonautes, et des clones de King Kong). Et puis, tiens, deux réalisateurs de Pixar qui nous présentent un court métrage très, très enjoué mais dont j'ai drôlement oublié le nom.
Enfin, la projection de Tokyo Godfathers débute. J'en parlerais plus en détails dans la chronique de Samedi, pour son passage au Décavision, mais franchement il serait dommage de rater une si belle histoire, comico-tragique ou tragico-comique et plutôt bien dirigée par Satoshi Kon (déjà à l'origine de Perfect Blue et Millenium Actress) qui est LE réalisateur nippon à suivre ces temps-ci.