Jeudi. Une journée 'normale' comprend trois séances: c'est déjà beaucoup pour un être humain normalement constitué. Avec un peu d'habitude, cependant, on peut s'en tirer sans trop de dommages! Une fois, juste pour voir, j'essaierai d'assister aux six séances de la journée...
L'Hôtel du Phare (ETU4)
La catégorie des films d'école est l'une des plus intéressantes qui soit. La maîtrise technique et/ou de la narration ne sont certes pas toujours au rendez-vous, mais quelques perles se démarquent généralement de ce vivier de futurs talents. L'Hôtel du phare est un bon exemple. La reconversion difficile d'un gardien de phare est le prétexte choisi pour exprimer une certaine nostalgie. Les couleurs et l'ambiance choisies sont très proches de La Cité des Enfants Perdus. Dommage que des longueurs se fassent sentir durant la projection. Katariina n'a pas d'autre ambition que de nous divertir en nous proposant une danse de mariage endiablée. A l'inverse, il émane de Jimmy une grande tristesse quand une enfant meurt accidentellement sous les yeux de son camarade. Je ne sais plus si je l'ai déjà dit (ou plutôt écrit), mais les films allemands sont vraiment terribles cette année. Ils surclassent les autres productions de l'Europe de l'Est. Malaise réel ou hasard de la sélection?
Vera raconte l'histoire d'un serial killer. Classique mais efficace. Mouse critique ouvertement l'effet de mode en prenant pour exemple les animaux de compagnie exotiques (une souris n'a rien d'extraordinaire comparée à un chameau. Si ce n'est pas un argument scientifique irréfutable, ça...). Cesaria, ou les complexes d'une vendeuse de marché à propos de son corps. Et si sa chair était à vendre? Elle reprendra pourtant du poil de la bête. La révolte des haricots rouges constitue la touche d'humour de cette sélection très hétéroclite. Comme son nom l'indique, un haricot vindicateur s'en prend à l'homme qui les a mis en boîte! White Oak est un conte résolument écologique, mais pas si conte que ça car la nature perd à la fin. Atomnia est très beau mais très, très long. Sous couvert de dénoncer le cimetière de sous-marins russes, véritable bombe à retardement, ce Supinfocom fait montre d'un rendu technique impeccable. Mais il manque quelque chose pour nous intéresser, pauvres spectateurs pris en otage d'un scenario minimaliste.
Antipoden est à coup sûr un grand moment de loufoquerie. Les querelles de voisinage trouvent une nouvelle dimension lorsque l'on vit en deux dimensions et que le monde se retourne littéralement toutes les douze heures: mieux vaut avoir une bonne synchro pour ne pas finir happé par la pesanteur! La religion en prend un grand coup quand le couple mormon (?) austère de Fright Ride fait un tour de train fantôme. Peu impressionné par les figures classiques de l'épouvante, leur sentiment change quand apparaissent les horreurs du passé: l'inquisition, la colonisation destructrice, la lutte de pouvoir de l'Eglise - bref, c'est sanglant! Et nos deux croyants en redemandent...
War Game (TV4)
La pub indienne est à l'honneur! Elle vante les mérites de croquettes pour chiens sous fond d'exotisme oriental. Cette introduction dépaysante fait rapidement place à Leunig, vision très singulière de notre monde. Sont exposés, entre autres, les concepts quotidiens du temps qui passe, du réveil difficile et cerise sur le gâteau, de la démocratie. Pour l'auteur, il est évident que chaque voix compte, car un bulletin une fois incinéré peut fournir de l'énergie à la lampe des WC pendant un jour. Soyez civiques!
La palme du pire revient à Toco y me voy. Proprement insupportable. Esthétique et stylé, Back to Eptar est une série italienne d'heroic fantasy. Cependant, comme d'habitude, il est difficile de jauger une oeuvre sur un seul film annonce.
Si Leunig proposait une vision douce amère de la société, 2DTV fait une peinture au vitriol de l'actualité. Pas toujours subtil mais facilement défouloir, on y apprend que Godzilla a marché sur Kaboul et que Sharon et Arafat refont le monde autour d'un verre mais ne veulent pas s'entendre.
Je n'ai pas grand chose à dire sur Tony & Maria (le grand retour, voir festival 2000), Agrippine (pour ma part, je n'ai jamais accroché) et Youri (sympathique mais destiné aux plus jeunes). Passons au moyen métrage d'aujourd'hui: War Game, qui romance l'histoire vraie d'un match de football entre allemands et anglais qui a lieu durant la nuit de Noël 1914 au milieu des tranchées. Hésitant souvent entre le tragique et le comique, le dessin animé distille toutefois une tristesse communicative. La guerre est un jeu mortel, où l'individualité est sacrifiée sans remord.
Carte Blanche à Wendy Tilby / Panique au Village !
Nous avons l'honneur de rencontrer l'auteur de When the Day Breaks (Grand Prix 1999) accompagnée de Serge Bromberg. Wendy nous explique qu'elle a concocté ce programme en recherchant dans différents registres, différents humours qui l'ont fait simplement sourire ou rire aux éclats. Avec Panique au Village (Grand Prix 2001), on peut s'attendre à être dans la dernière catégorie. Les petits soldats et autres figurines vivent des aventures trépidantes, pas toujours réservées aux plus jeunes... même si l'humour reste bon enfant. Délire classé sans suite, Panique au Village a tellement plu qu'il est devenu une série TV. Si, si! Nous avons la primeur de trois nouveaux épisodes (la visite de la ferme, la pierre extraterrestre polymorphe, le sofa-jacuzzi-bar) drôles certes, mais pas à la hauteur du pilote qui est vraiment à pleurer de rire. Enfin, c'est mon cas!
Avec des zygomatiques déjà bien exercées, la suite du programme passe très bien. Village of Idiots et Flying Nansen ont déjà été diffusés et primés lors de festivals précédents. Great Toy Robbery est un vieux dessin animé canadien assez drôle avec un cowboy poule mouillée et des malfaiteurs retombés en enfance. Favorite Things That I Love explore les facettes animées et colorées du kitsch intergalactique. Special Delivery nous informe qu'il vaut mieux déneiger son perron pour ne pas avoir d'homicide involontaire sur la conscience. Cela dit, avec un peu d'imagination on peut s'en sortir. Il faut juste s'attendre à changer de vie.
Primiti too taa est le seul court métrage d'animation en machine à écrire. Des séquences de syllabes issues d'un poème sonore sont dites et retranscrites à l'écran en lettres d'imprimerie. Je ne sais pas quel est le but premier, mais placé dans notre contexte, c'est très drôle! Moi, si j'étais bébé, je ferais de l'art primitif... Leeeeeeee.
Dernier mais pas perdu, The Wrong Trousers est un grand classique de l'animation signé Aardman, où l'on retrouve Wallace et Gromit aux prises avec un pingouin démoniaque. Nick Park exploite à merveille tous les ressorts classiques du cartoon dans cette animation pâte à modeler irréprochable. Sans doute le meilleur Wallace et Gromit à ce jour...
Ouf, la journée se termine plus tôt aujourd'hui car nous avons prévu un petit restaurant péruvien qui s'annonce plutôt bien. A demain, pour de nouvelles aventures!