Mardi. Mes aventures matinales méritent à elles seules de remplir cette page encore presque vierge. Pour résumer, disons que le clou rouillé enfoncé aux trois quarts dans mon pneu avant de vtt m'a un peu refroidi. Ça, et le fait que nous avons encore raté la séance de 10h30. Pensons positif: il reste une demi journée de programmes, plus qu'il n'en faut pour saturer mon esprit.
Samurai Jack (TV2)
A quoi s'occupait le néanderthal moyen pendant les longues journées d'hiver? A faire de l'animation, bien sûr! Nous découvrons monsieur groumpf, artiste de son état, qui nous livre sa vision de la femme idéale en 12 images par seconde et kilomètres par heure. Percutant! Petit rappel: une séance commence toujours par le générique lapinesque, puis par une séquence d'ouverture qui change chaque jour. Ces petits bijoux sont réalisés par l'école des Gobelins qui offre des formations spécialisées dans l'animation. Nous découvrons donc les talents de demain!
Kaput et Zösky d'après Trondheim raconte l'histoire de deux extra-terrestres lésés du cerveau qui cherchent à conquérir l'univers. Ils commencent par une planète habitée par des ânes. Pas de chance: des concepts comme l'esclavage et la violence leur échappent complètement. Difficile alors de faire régner une dictature... Sympathique mais pas exceptionnel aussi bien dans le récit que dans l'animation. Le nuage bleu insiste sur le racisme et la tolérance: il semble que ce soit un thème phare pour les productions de cette année. Tant mieux! Dommage que ce court rate un peu le coche en restant très très bon enfant.
Et si les canards avaient oublié comment voler? Sitting Ducks est une série toute en ordinateur 3D qui explique le dilemme de ces infortunés volatiles. Baballe est dédié au football. Bof! je compare ça à une sorte de South Park à la française dont l'humour tombe à plat. Le CTTI du jour est un conte arabe, La couronne et le sceptre, qui démontre comment la cupidité est punie: un homme pauvre devient riche au contact d'une civilisation étrange où les échelles de valeurs s'inversent. Un riche marchand tente d'en profiter et devient naturellement aussi pauvre que possible. L'animation n'est pas phénoménale, sans doute à cause de l'utilisation de marionnettes sans recours à l'informatique pour gommer les imperfections. L'on suit cependant avec plaisir cette aventure.
Jack Palmer est une adaptation ratée. En effet, de l'humour pince-sans-rire et politique de la bande dessinée, il ne reste rien. Dommage! Capelito 'Daddy' est beaucoup plus réussi: destiné aux très jeunes, il tient le pari sympathique d'intéresser les 'grands' par le biais d'une action ininterrompue.
Si le nom de Genndy Tartakovski ne vous dit rien, c'est que vous ne connaissez sans doute pas la chaîne cable et satellite Cartoon Network. Le gaillard est l'un des piliers de la chaîne pour avoir imaginé et réalisé Le laboratoire de Dexter (Dextor's Laboratory) et les Super Nanas (The Powerpuff Girls), séries délirantes et joyeusement parodiques. Dans Samurai Jack cependant, cette tendance s'efface pour ne subsister qu'à un second degré. Samurai Jack assimile, décrypte et restitue à sa manière tous les rouages du manga dans une mise en scène réellement atypique et donc furieusement intéressante. L'épisode d'aujourd'hui raconte pourquoi Jack doit surclasser trois archers aveugles et pourtant invincibles: quasiment sans dialogue, à l'animation minimaliste mais au découpage de l'action sans faille, il tient le pari de nous distraire et de nous faire sourire.
Icebergclub (CM2)
Il était prévu que nous allions randonner cet après-midi. Le temps en a décidé autrement en déversant des trombes d'eau sur Annecy. Ni vu ni connu, hop, je rattrape ma séance de ce matin. Direction Décavision!
Gömd présente le témoignage tragique d'un enfant clandestin. L'utilisation de l'animation permet de rester attentif au récit du petit garçon. Sérieux, et bien réalisé. Dans la même veine, Camouflage recueille les histoires vraies d'enfants dont les parents étaient schyzophrènes. C'est inquiétant et destabilisant: le but du réalisateur est donc atteint. The Hungry Squid se veut bien plus drôle mais garde tout de même un accent bizarre. Une adolescente mal dans sa peau a quelques soucis avec les animaux qu'elle rencontre; ceux-ci dévorent tous ses devoirs, lui valant quelques rendez-vous avec le conseiller d'orientation. Plus tard, une pieuvre tente de la kidnapper. Le meilleur de l'histoire est de découvrir qu'une raison logique pousse tous ces animaux à agir ainsi...
Je suis désormais sûr que cette sélection de courts métrages est placée sous le signe de l'étrangeté. Holding Your Breath possède une atmosphère sombre, industrielle et quasi surnaturelle qui prévaut sur l'histoire. Dad's Clock, où comment la mort réunit une famille désunie, est un peu basé sur le même principe.
Tongues + Taxis est heureusement délirant et référentiel. Un homme qui perd sa langue dans un accès de colère va à l'hôpital. La langue tombe par inadvertance dans un fût radioactif et prend vie. Mesurant maintenant quinze mètres de haut, elle entreprend de détruire la ville... Godzilla et la Guerre des Etoiles ne sont pas très loin et en prennent pour leur grade! Toujours dans la catégorie 'on ne se prend pas au sérieux', citons le dernier rejeton des studios Aardmann, Deadline, qui expose l'art et la manière de faire un film d'animation quand on n'a pas d'idée. La solution est de réaliser un court métrage où l'on explique comment faire un film d'animation quand on n'a pas d'idée: ne vous inquiétez pas, il ne s'agit pas d'un copier-coller malheureux mais bel et bien d'un résumé de l'action :)
Mention spéciale pour Icebergclub. Le réalisateur doit être un détracteur du film de James Cameron tant on s'ennuie dans cette histoire du Titanic, du point de vue de l'iceberg qui lui sera fatal. Je m'installe confortablement dans mon fauteuil et attend paisiblement pendant vingt minutes l'arrivée du bâteau qui, simple point à l'horizon, grossit jusqu'à remplir l'écran. La violence du choc fait malheureusement tourner l'iceberg et la caméra se trouvant dessus, et les sept minutes restantes montrent un paysage marin paisible si ce n'était les bruits de métaux s'entredéchirant... Il n'y a rien à voir et ça dure une demi-heure: chapeau.
Mari Iyagi
J'avais un bon pressentiment concernant Mari Iyagi. Le guide officiel comprenait une jolie photo et un résumé alléchant et elliptique: "A peine une lumière magnifique illumine-t-elle l'intérieur en marbre d'un phare, que nous voilà transportés dans un monde imaginaire. Namwoo est sur le point de tomber dans le néant lorsqu'une fille vêtue de blanc attrape sa main et le soulève. C'est Mari". Pour compléter le tableau, ajoutons que Namwoo, enfant réservé, habite en bord de mer avec sa mère et sa grand-mère, son père ayant péri au cours d'un accident de pêche. Son meilleur ami est sur le point de partir pour Séoul, et une sensation immense d'abandon le submerge. C'est alors qu'il entrevoit le monde onirique et merveilleux de Mari. L'a-t-il rêvé pour échapper à sa mélancolie?
Le réalisateur coréen Sung-gang Lee dépeint un monde réaliste, subtil et grave, où la fin de l'enfance sonne vrai avec ses joies et ses tracas, offrant un parfait contrepoint à la vision poétique d'un monde imaginaire au bestiaire fantastique. Je n'attendrai pas plus longtemps pour dire que Mari Iyagi est une perle rare, belle et émouvante. Ses personnages sont attachants et son scénario, à mille lieues des poncifs du genre.
Côté technique, l'animation comme le graphisme sont d'un bon niveau, le dessin animé étant intégralement numérique et réalisé à l'ordinateur 2D. Quelques scènes du 'côté réel', dont celles présentant le village de Namwoo et la mer, fourmillent de détails et de couleurs. Mais j'ai surtout été enchanté par les somptueux paysages du monde ouaté de nuages de Mari. La musique n'est pas en reste avec un thème principal envoûtant aux séquelles subtiles et d'autres compositions tout aussi belles. Rien ne vient entacher ce tableau idyllique, sauf peut-être sa trop courte durée! Metropolis aura fort à faire pour me dissuader que Mari Iyagi puisse échapper au grand prix du long métrage. Bon sang! Il ne sortira sans doute jamais en France...