Il y a presque un an, jour pour jour, se terminait une chronique quotidienne sur un festival obscur. Nul ne se doutait alors que dans l'ombre se préparait le retour des
Chroniques Annecy 2001
Nous nous dirigeons vers le théâtre pour les premières festivités. Nous voilà de retour dans cette salle que nous avions quitté deux ans plus tôt à l'issue d'une cérémonie d'ouverture marquée par l'un des plus grands films d'animation jamais réalisé... Et voilà que le rideau s'ouvre, la pénombre s'installe et impose le silence...Des remous apparaissent soudain dans le canal du Thiou, perturbant un paisible pêcheur. Soudain c'est la panique, les Annéciens se bousculent et s'éparpillent. Une femme hurle de terreur. Parfois, les peurs ancrées au plus profond de notre subconscient ressurgissent. Peur primale. Peur irraisonnée. Finalement la Chose apparaît. Qui osera défier du regard l'indicible? Le temps est venu: la conjonction des astres est propice et les incantations scandées les années précédentes prennent forme...
Le Lapin ! Le Lapin ! Le Lapin ! Détruisant tout sur son passage, la lapinesque Créature prend d'assaut le château, prête à déployer son Pouvoir. Mais toute chose, aussi puissante soit-elle, a sa Némésis. Qui ne manque pas de se manifester aussitôt: le Lapin devient lapin. Ce sera le générique qui nous accompagnera, séance après séance, dans les tréfonds de l'animation.
Il est bientôt suivi par un autre, qui lui changera chaque jour: un lapin (le même?) sert d'appât pour une course de lévriers et par le biais d'une machinerie diabolique alimente une boîte à images qui renvoie inlassablement 'Annecy 2001'.
Patate et le Jardin Potager (TV)
Place aux films de télévision. Patate et le jardin potager nous raconte l'histoire de Monsieur Patate et de quelque uns de ses congénères aux prises avec un jardinier-apprenti sorcier qui cherche à créer le légume parfait. Au delà de l'histoire, ludique, un avertissement se profile: méfions nous des Organismes Génétiquements Modifiés. De facture assez classique, la réalisation est sans défaut et l'oeuvre du studio Folimage. Pour ceux qui n'ont pas suivi ou qui ont oublié, ce studio de Valence avait eu les honneurs l'année précédente et était exposé au château. Ce court métrage de trente minutes présage du meilleur pour l'avenir.
Suivent quelques autres (très) courts métrages et publicités, ou l'on peut découvrir le squelette d'un bonhomme de neige ou les effets dévastateurs sur la peau du visage de bonbons pimousses pas très cosmétiques. Il faut également savoir que les courses automobiles sont idéales pour ingérer des hamburgers Rally's (l'équivalent du 280g, quoi...). J'aurais plutôt cru à l'effet inverse mais les publicitaires sont définitivement très forts pour nous faire digérer n'importe quoi. Il y a aussi le super zéro, Captain Linger, dont les discours nihilistes et les performances musicales font frémir tout cobaye dont le QI dépasse dix. Il y a du bon, et du moins bon, mais la quantité est présente.
Heureusement, le dernier n'est pas perdu, il s'agit du dernier clip de Gorillaz, Clint Eastwood. Ce groupe virtuel produit des clips qui ne le sont pas moins. De mes maigres connaissances musicales (n'est pas Gamin qui veut), je sais que d'éminents musiciens (dont le chanteur de Blur) se cachent derrière les faciès en 2 ou 3D de nos stars synthétiques. En tout cas, le clip est très réussi, les chorégraphies surréalistes, forcément, et la musique pas si mal (mais est-ce le plus important?).
Bon, la pause s'impose, prenez quinze minutes et revenez pour les courts métrages du jour.
L'Enfant de la Haute Mer (CM)
Aie, aie, aie. Ca se corse. Du bon, du moins bon et du mauvais. Commençons par Pad, court métrage tchèque qui fleure bon la joie de vivre et le cynisme libéral. Un vieil homme qui dormait sur un toit perd l'équilibre et s'accroche à la goutière d'un immeuble décrépi. L'on assiste alors à la débandade des forces publiques, à la froide attente des pompes funèbres et à la mort des voyeurs trop curieux. Ces derniers sont ramassés à la fourche et empilés dans une brouette à la nuit tombée. Fin. Hem. La technique de dessin (crayonné noir très peu nuancé) rajoute à l'atmosphère légère et paisible de l'histoire.
Histoire qui est parfois anecdotique: le film italien La foto delo scandalo prend le parti de figer les personnages et de faire évoluer perpétuellement le décor. Au delà de cette unique idée originale, cela ne va pas très loin. Heureusement, ce n'est pas toujours le cas. The Green Man of Knowledge (photo) est un conte joliment illustré et réalisé. Storm & Ember est lui un pastiche peu subtil de Conan et consort.
Enfin, The Boy who Saw the Iceberg raconte le drame émouvant d'un petit garçon rêveur qui embarque à bord du Titanic. L'image est divisée verticalement: à gauche on voit la réalité, à droite les fantasmes de l'enfant. Mais la réalité dépasse parfois le rêve, et l'iceberg n'est pas bien loin. Quand finalement les visions se rencontrent, c'est la fin. Ce film au dessin naïf est sans doute le plus intense et le plus chargé en émotion de tout ce que nous avons visionné jusqu'alors.
L'Enfant de la Haute Mer, poétique à la hauteur de ce que son titre laisse entendre, relate la vie d'une petite fille qui est seule dans son village, encerclé par les flots. Les jours se suivent et se ressemblent jusqu'au jour où... Les images de synthèse m'ont paru moins froides tant elles étaient belles. Il est intéressant de noter que c'est la première oeuvre d'une équipe de Supinfocom (se serait-elle échappée de la catégorie films de fin d'études?) et que c'est une très belle carte de visite !
Blood: The Last Vampire (LM)
Le soleil tarde à se coucher et illumine encore les montagnes quand nous nous enfermons une fois de plus pour le premier long métrage.
Blood, le dernier Vampire. Cela ne dira rien à la majorité d'entre vous. Pour les fans d'animation japonaise par contre, Blood est un peu annoncé comme un messie qui prêcherait la suprématie des Nippons.
Et bien oui: Blood est une bombe visuelle, un concentré de technique et de savoir-faire à faire pleurer les animateurs américains de honte.
Mais bon, là ou le bât blesse, c'est l'histoire. On sent bien que les personnages ont une certaine profondeur, que le combat fratricide des vampires a une histoire et un sens. Mais on ne fait que le sentir; en cinquante minutes menées tambour battant, on ne s'attarde pas beaucoup sur ces 'détails'.
Du coup, on est inévitablement frustré lorsque le générique de fin apparaît, surtout lorsque l'on sait qu'il n'est pas prévu de suite (mais quelques produits dérivés) et que Mamoru Oshii (connu pour la profondeur de ses intrigues) est intervenu dans l'écriture du scénario !